L’évangile de Matthieu au chapitre 20 parle de salaire et de bonté. Mais il défait nos modèles et nous place dans un monde où l’on ne mesure pas, où l’on ne pèse pas, où l’on ne calcule pas. Le maître de la vigne a choisi de donner un denier à ceux qui travailleraient pour lui. Les premiers commencent tôt, d’autres arrivent en cours de route, et les ouvriers de la dernière heure, que le maître embauchent pourtant, sont tous payés de la même façon, un denier. Il est bien précisé qu’ils ne sont pas faignants, mais bien chômeurs, et que « personne ne les a embauchés ».
Ceux qui se plaignent de leur salaire sont les ouvriers de la première heure qui espéraient bien être payés au pro rata de leur effort, donc plus que les derniers arrivés. Ils n’ont pas compris que le don n’est pas un dû.
Pourtant, nous avions été prévenus par Isaïe, le prophète du Seigneur, « mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos chemins ne sont pas mes chemins. » Les uns et les autres n’ont pas à comparer leur peine, et le denier n’est rien d’autre que la métaphore de ce que Dieu donne à ceux qui le laissent venir à eux : sa tendresse, qui ne se pèse ni ne se mesure en demi tendresse ou quart de tendresse. Reste pour nous cet aiguillon : Qui va dire à ceux qui attendent que le maître embauche ? Et comment nous convertir à la bonté de maître pour devenir comme lui et donner ce qui n’a pas de prix, sans mesurer ni compter : notre attention, notre présence, notre temps, notre tendresse ?
N’est-ce pas cela, travailler à la vigne du maître ? Et ne sommes-nous pas tous en retard sur le maître pour comprendre ce qu’il espère de nous et quitter le marchandage pour entrer en gratuité ?
Anne Lécu op