Échos de la rencontre des sœurs dominicains d’Europe pour les sœurs de moins de 25 ans de vie religieuse
La rencontre s’est faite par visio-conférence du 7 au 9 janvier 2022. Cette année, le thème général en était « Signes des temps et déformation de la vérité « . Il s’articulait autour de trois questions :
- Que signifie la vocation dominicaine dans l’Église d’aujourd’hui ?
Fr Felicísimo Martínez OP - Qu’est-ce que cela signifie être une sœur prêcheuse ?
Sr Kerstin-Marie Berretz OP - Que signifie vivre les vœux en tant que sœur dominicaine ?
M. Deák Hedvig OP
Nous étions environ une soixantaine de sœurs à participer et toutes ont exprimé leur satisfaction : les conférences étaient très profondes set riches de sens. Voici quelques points forts :
- L’Ordre a beaucoup à donner à notre société aujourd’hui et pour cela nous devons être des sœurs profondément humaines et évangéliques
- Les vœux doivent être incarnés dans la réalité. Nous devons voir les conseils évangéliques comme un don de Dieu. La liberté intérieure et extérieure est une adhésion personnelle à l’appel de Dieu, et le témoignage de vie est pour nous une prédication .
- Nous devons rendre crédible notre prédication en nous nourrissant de la Parole de Dieu c et être prêcheur à tous sans distinction. Nous devons prendre conscience (Nous devons tenir compte) que notre prédication peut être acceptée ou refusée.
- Dans la prédication, adopter un langage simple, compréhensible afin de parvenir à atteindre un grand nombre de personnes. Nous sommes appelées à prêcher à tous l’évangile par notre sourire, la proximité, l’attention, la présence, la patience.
- La prédication est une attitude de vie et non une activité nous devons revaloriser le silence, l’écoute, la contemplation dans la communauté.
- Aujourd’hui, et plus que jamais nous devons revoir le sens de nos vœux. Avec les scandales causés dans l’Église nous devons toujours nous interroger et être vigilantes, s’encourager, s’enraciner dans le Christ et revoir notre motivation première afin de rester toujours fidèles au Seigneur.
Les trois conférenciers ont souligné que :
- Saint Dominique était un homme profondément humain et religieux. Son comportement évangélique « il parlait sans cesse de Dieu et à Dieu » est à imiter.
- Le premier lieu où nous devons vivre notre humanité ainsi que les vœux doit être la communauté pour ensuite aller témoigner à l’extérieur. Prêcher ce n’est pas seulement dans les paroles, mais sur le témoignage de vie, être heureux.
- Dominique voulait que la prédication naisse et soit soutenue par les éléments suivants de la vie dominicaine : le silence, la prière, la célébration et l’expérience contemplative, le soin et la recherche constante de la vérité sacrée, l’expérience de la pratique communautaire, la pratique de la pauvreté évangélique.
- Aujourd’hui la parole a été discréditée par l’abondance de discours vides et par le manque de respect de la vérité, par l’abondance des fake news. La vérité ne semble plus être associée à la dignité des personnes. C’est pourquoi c’est un défi et la tache fondamentale de la mission dominicaine d’accréditer la parole. Cela consiste à servir la vérité ou à démasquer le mensonge à partir de la lumière de la foi.
- La prédication doit offrir la lumière et le prêcheur doit être cohérent, dire ce qui est essentiel à partir de son expérience ; une parole d’illumination, d’encouragement, de dénonciation, évangélique, une bonne nouvelle pour l’humanité.
- Être dominicain, dominicaine aujourd’hui, signifie être attentif aux signes des temps et répondre par la vie et par les paroles aux demandes les plus exigeantes de notre monde actuel.
- Le signe qui va permettre que nous soyons écoutées par nos contemporains est essentiellement celui de la compassion dans un monde marqué par des violences de toutes sortes.
- Il est nécessaire d’assumer que la cause de la justice et des droits de l’homme soient une partie essentielle de l’évangélisation. Aujourd’hui la proclamation de l’évangile n’est pas crédible si elle n’est pas accompagnée de la défense de la justice, des droits de l’homme et des droits des victimes. Il est nécessaire d’assumer le dialogue comme la méthode la plus appropriée de la nouvelle évangélisation. Dialoguer c’est reconnaître la dignité de toute personne humaine. Nous devons avoir un profond esprit d’œcuménisme, de dialogue interculturel et inter-religieux.
Les vœux ne sont pas une super obligation pour une super perfection. Au contraire, les conseils évangéliques sont un don de la sagesse et de l’amour du Christ. Les vœux naissent de cette relation d’amour réciproque. Cette relation est le lieu où le Christ appel et où la personne est capable de répondre à cet appel. Le Christ s’adresse à la fois à notre intelligence et à notre volonté. Il s’adresse à la personne libre et ouverte qui désire l’aimer totalement. Les vœux veulent nous aider à faire croître cette générosité.
Les conseils évangéliques sont les voies privilégiées de la générosité évangélique qui s’adresse d’une certaine manière à tout chrétien comme attitude spirituelle.
L’obéissance et la liberté ne sont pas en opposition. Plus l’amour est grand plus la liberté est grande. La personne qui fait l’expérience d’être aimée par Dieu et qui est transformée par Dieu veut laisser derrière elle tout ce qui est moins important que le bien aimé.
La pauvreté est une invitation à préserver un certain vide et mettre notre confiance dans le
Seigneur. La chasteté est une plus grande liberté d’aimer le Seigneur avec un cœur sans partage et de s’ouvrir totalement à lui. Le but ultime de toute personne humaine est l’adhésion totale à Dieu et à sa contemplation.
Le but de l’obéissance est de libérer la religieuse de la captivité de ses propres pensées, ses visions, ses rêves et de la garder attentive au Seigneur.
Les vœux sont un chemin pour aller vers un amour plus grand. Selon saint Thomas l’amour ou la charité parfaite est la finalité de toute vie chrétienne. L’amour n’est pas un concept statique, il a son propre dynamisme.
La joie qui doit être une caractéristique spécifique de la vie dominicaine. L’enthousiasme et la joie étaient présents aux origines dominicaines et ont accompagné les premières communautés. Le pape François ne se lasse pas de dire que la joie est un signe indispensable de la vraie vie évangélique.
À partir de ces éléments, la formation initiale et continue devraient traiter l’idéal du bonheur comme étroitement associé à la vie évangélique. Pour ce faire il faudra traiter avec réalisme le sens évangélique et surtout il faudra revaloriser le corps, la sexualité, l’affectivité, l’amitié. Enfin notre tradition dominicaine, et en particulier saint Thomas, peut être un guide pour voir les vœux religieux comme un chemin vers une plus grande générosité, un amour croissant et une liberté intérieure. Sa doctrine peut nous aider à devenir des expertes en humanité, à être des religieuses qui ont une expérience personnelle et communautaire de la vie religieuse comme chemins vers la vraie liberté humaine, qui rayonne une conviction joyeuse sur la beauté de notre vocation.
Sœur Patricia Yaméogo