Dans l’Evangile de Matthieu, après les récits des Béatitudes qui en sont l’introduction, le sermon sur la montagne se poursuit pendant trois longs chapitres entre la Loi de Moïse: « Il a été dit jadis » et la Loi Nouvelle de Jésus «et bien, moi, je vous dis aujourd’hui».
Jésus est réellement explicite dans son expression : «Ne pensez pas que je suis venu abolir la Loi ou les paroles des Prophètes; je ne suis pas venu l’abolir mais l’accomplir.»
Il est clair que Jésus n’est ni un révolutionnaire qui veut tout changer, comme si le passé n’existait pas, pour repartir à zéro, ni un conservateur qui ne veut rien changer comme si le passé avait toujours été parfait en tout…
N’oublions pas que Matthieu s’adressait à des communautés chrétiennes de Palestine et de Syrie venues du judaïsme imprégnées, d’un certain rabbinisme qui avait souvent surchargé la Loi. Donc les questions des évolutions se présentaient avec beaucoup d’acuité: que fallait-il conserver des anciennes coutumes et des lois de Moïse? Fallait-il continuer à circoncire les enfants alors que maintenant il y avait le baptême? Fallait-il continuer à respecter le sabbat ? Pour Jésus, il n’était pas question d’abolir le passé ni de le conserver tel quel. Il fallait lui donner le sens d’une «vie nouvelle» dans une sorte d’accomplissement, d’achèvement.
Le christianisme vient plutôt, selon Jésus, achever le judaïsme. Le «nouveau testament» peut être considéré alors comme une greffe toute neuve qui se nourrit de la même sève du vieil olivier, c’est-à-dire de « l’Ancien Testament», pour lui faire donner de nouveaux fruits. Oui, Jésus est bien celui qui était annoncé et préparé pour venir accomplir la Loi et les paroles des prophètes, c’est-à-dire toute la Bible: Abraham, Moïse, David, Isaïe, les Psaumes, les Sages, toute l’histoire et la pensée d’Israël viennent fleurir et s’épanouir en Jésus.
«Je vous le dis en effet: si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux».
La «justice» est un terme biblique très riche auquel Matthieu porte une affection particulière. Ce mot «justice» n’a pas seulement le sens restreint que lui donne la langue moderne justice sociale qui règle les rapports entre les hommes. La justice au sens biblique consiste à être «juste ce que Dieu veut que nous soyons». Alors un homme juste est celui qui est parfaitement en accord, en alliance, en harmonie avec ce Dieu qui pense et construit l’univers et qui le dirige avec une prodigieuse intelligence. L’homme juste, par la correspondance de sa vie à la volonté de dieu, participe à l’oeuvre divine et aboutit au bonheur, c’est-à-dire à «ce pour quoi il est fait».
Or,Jésus propose une nouvelle justice,en une nouvelle perfection de l’être humain. Quand il dit qu’il faut surpasser la justice, à qui s’adresse t-il ? Essentiellement aux scribes et aux pharisiens très sûrs de leurs pratiques de la Loi.
Loi et justice supérieures
Contre ceux qui affirment que sa venue a pour conséquence l’abolition de la Loi, Jésus s’inscrit en faux (v.17). Le verbe «accomplir» exprime la conviction qu’il est Celui en qui les Ecritures autrement dit la Loi et les prophètes trouvent leur aboutissement.
Si la transgression ou l’obéissance aux commandements conduisent à instaurer une hiérarchie à l’intérieur du Royaume, la justice seule peut y accéder (v.20). L’observation de la Loi à la lettre n’est donc pas le critère de fidélité à l’esprit de celle-ci. L’obéissance stricte des commandements devient seconde par rapport à son accomplissement.
Pour suivre la Loi de Dieu, qu’est-il le plus difficile de faire ? Obéir à des préceptes figés dans le passé, parfois desséchants et deshumanisants, ou en comprendre l’esprit, c’est-à-dire en inventant des attitudes, des conduites dans un esprit d’Amour absolu; celui que Dieu a pour nous, et qu’il veut que nous ayons les uns pour les autres… Dans nos familles, nos communautés religieuses, nos paroisses, nos lieux de vie et de travail, il nous faut trouver sans cesse les moyens d’aider, d’écouter de pardonner…. Pour que la Loi s’accomplisse vraiment et que son règne de justice ,d’amour et de paix vienne.
Sr Maria-Fabiola Velasquez – Maya