3e dimanche de carême, 23 mars 25. Luc 13, 1-9
Autrement Dieu
Nous sommes dans le temple de Jérusalem, en la fête de Pâque sans doute. Seule fête où les laïcs peuvent venir eux-mêmes présenter leurs offrandes et sacrifices. De très nombreux pèlerins donc, et une armée de l’occupation sur les dents. Un carnage, dans le temple même, où viennent se mêler le sang des animaux sacrifiés et celui des Galiléens pris au piège. Offense absolue que ce mélange des sangs, interdit que l’on retrouvera bien longtemps. Il suffit de se rappeler qu’en 1549, l’Église interdit l’union entre les colons espagnols et les femmes amérindiennes, afin de ne pas « mêler les sangs ». En 1781, en Espagne, il faudra encore un certificat de pureté de sang pour entrer à l’université ou être ordonné prêtre…
Autant dire que ce qui s’est passé dans cet épisode relaté par Jésus est lourd de conséquences, au-delà même du nombre de morts. Devant notre besoin de réponse faussement rationnelle devant ce massacre, comme devant le mal subi, de tous temps la tentation est forte et constante de chercher le coupable, y compris quand il s’agit de la victime. Tant d’entre elles, tant d’agressés, de violentés savent cela du fond de leurs souffrances : avoir été considérés comme les fautifs, d’une façon ou d’une autre. Parfois même s’être elles-mêmes vécues ainsi.
Dans le récit de Jésus il y a clairement Pilate qui est l’agresseur. Mais aux yeux des juifs pratiquants du temple, sans doute aussi ces galiléens, mi-croyants-mi-païens, fils de ce carrefour des nations (Isaïe 8, 23), bordure – seulement – de la terre promise.
Mais voilà, sans même attendre la remarque de son auditoire, Jésus affirme haut et clair qu’ils ne portent aucune responsabilité dans ce malheur. Pas plus que les morts sous l’effondrement de la tour de Siloé. Ouf, nous disons-nous. Car toute autre réponse me vaudrait de fuir, de devenir absolument l’athée d’un dieu de la rétribution, d’une croyance en une théodicée où les pseudos « bonté et justice » de dieu permettraient le mal. Mais voilà que Jésus poursuit, deux fois : « si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même… » Injonction qui fait froid dans le dos et serait vite perçue comme une menace mortelle.
Si nous faisions un pas de côté ? S’il ne s’agissait pas de menace – ce qui ne serait qu’une autre façon de parler de ce même dieu du donnant-donnant – mais comme souvent, d’un constat de Jésus. Penser Dieu autrement, confesser un « autre Dieu », aimer et servir un Dieu bien différent de celui de la rétribution. Là est la conversion. Sans elle nous serons les victimes de notre propre pensée tordue d’un dieu pervers qui punit les méchants, peut-être, mais surtout tant de justes qui meurent et souffrent scandaleusement injustement. D’un dieu qui ne ferait pas « lever son soleil sur les méchants et sur les bons »… Alors non, non et non. L’urgence de la conversion, c’est de croire au Dieu qui a décidé de ne pas être dans la puissance, dans la justice à notre raison, le Dieu qui est mort en croix, le fils de l’homme jusqu’en sa passion, à Jérusalem justement, compagnon des souffrants de tous les temps, de chacun, en ce lieu de son impuissance.
Paradoxalement peut-être, mais peut-être pas, c’est lui qui est le maître de la vigne et veut encore préserver le figuier, espérant qu’il devienne, avec plus de soin encore, fécond. Sinon que fait-il ce figuier à fatiguer la terre, lui prendre son eau ? Le maître qui croit encore à la vie possible, c’est le Dieu autrement que fort, autrement que dans la réponse au pourquoi du mal et du malheur mais qui la prend sur lui en la mort de son fils. Maître de la vigne oui, car mort innocent des crimes dont il était accusé, innocent parmi les innocents d’hier et d’aujourd’hui. Au creux de l’innocence qui se tient mystérieusement en chacun de nous. Jésus, la vraie vigne que vont briser les puissants, est pourtant celle qui portera un fruit qui demeure, du sang et de l’eau pour vivre, pour aimer et pour croire. Elle qui espère que le figuier va réagir à ses soins et offrir ses fruits. Non ceux de la force ou de la bonne santé. Simplement ceux du don, de la douceur, de la bonté, de la foi, de l’attention. (Ga 5, 22-23). Ceux-là agissent, pauvrement. Mais pour de vrai.
Véronique Margron op.
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Tercer domingo de Cuaresma, 23 de marzo de 2025. Lucas 13, 1-9
De otra manera, Dios
Nos encontramos en el templo de Jerusalén, probablemente durante la fiesta de la Pascua. Es la única celebración en la que los laicos pueden presentar personalmente sus ofrendas y sacrificios. Multitud de peregrinos, por tanto, y un ejército de ocupación en estado de alerta. Una masacre, en pleno templo, donde se mezclan la sangre de los animales sacrificados y la de los galileos atrapados en la emboscada. Una ofensa absoluta, pues esa mezcla de sangres es un tabú que perdurará durante mucho tiempo. Basta recordar que en 1549 la Iglesia prohibió la unión entre los colonos españoles y las mujeres amerindias para evitar “mezclar las sangres”. En 1781, en España, todavía se exigía un certificado de pureza de sangre para acceder a la universidad o ser ordenado sacerdote…
Es decir, lo sucedido en este episodio relatado por Jesús tiene profundas consecuencias, más allá del número de muertos. Ante nuestra necesidad de encontrar una respuesta, aunque sea falsamente racional, frente a esta masacre —como ante el mal sufrido— siempre ha existido la fuerte y constante tentación de buscar un culpable, incluso cuando se trata de la víctima. Cuántas de ellas, cuántos agredidos, violentados, saben esto desde el fondo de su sufrimiento: haber sido considerados culpables, de una manera u otra. A veces, incluso, haberlo sentido así ellos mismos.
En el relato de Jesús está claro que Pilato es el agresor. Pero a los ojos de los judíos practicantes del templo, también lo serían probablemente esos galileos, mitad creyentes, mitad paganos, hijos de aquel cruce de naciones (Isaías 8, 23), apenas en el borde de la Tierra Prometida.
Sin embargo, sin siquiera esperar el comentario de su auditorio, Jesús afirma con claridad que no tienen ninguna responsabilidad en esta desgracia. Ni más ni menos que los que murieron bajo el derrumbe de la torre de Siloé. Suspiramos aliviados. Porque cualquier otra respuesta nos haría huir y nos convertiría en ateos de un dios que castiga según la lógica de la retribución, de una creencia en una teodicea donde la supuesta “bondad y justicia” de Dios permitirían el mal.
Pero Jesús insiste dos veces: “Si no os convertís, todos pereceréis del mismo modo”. Una advertencia que nos estremece y que podría interpretarse como una amenaza de muerte.
¿Qué pasaría si cambiáramos nuestra perspectiva? ¿Si no se tratara de una amenaza —que sería otra forma de hablar del mismo dios del “toma y daca”—, sino, como tantas veces, de una constatación de Jesús? Pensar a Dios de otra manera, confesar a un “Dios diferente”, amar y servir a un Dios muy distinto del de la retribución. Ahí está la conversión. Sin ella, seremos víctimas de nuestra propia visión torcida de un dios perverso que castiga a los malvados, tal vez, pero sobre todo a tantos justos que mueren y sufren de manera escandalosamente injusta. Un dios que no haría “salir su sol sobre malos y buenos”… Entonces, no, no y no.
La urgencia de la conversión es creer en el Dios que ha decidido no manifestarse en el poder, ni en la justicia según nuestra lógica, sino en el Dios que murió en la cruz, el Hijo del Hombre en su pasión, en Jerusalén precisamente, el compañero de los sufrientes de todos los tiempos, de cada persona, en el lugar mismo de su impotencia.
Paradójicamente quizás, o tal vez no, él es el dueño de la viña que aún quiere preservar la higuera, esperando que, con más cuidado, llegue a dar fruto. Si no, ¿qué hace esa higuera agotando la tierra y consumiendo su agua? El dueño que todavía cree en la vida posible es el Dios que no se manifiesta en la fuerza ni en una respuesta al porqué del mal y del sufrimiento, sino que lo asume en la muerte de su Hijo. Dueño de la viña, sí, porque murió inocente de los crímenes de los que se le acusaba, inocente entre los inocentes de ayer y de hoy. En el fondo mismo de la inocencia que, misteriosamente, habita en cada uno de nosotros.
Jesús, la verdadera vid que los poderosos van a destruir, es, sin embargo, la que dará un fruto que permanece: sangre y agua para vivir, para amar y para creer. La que espera que la higuera responda a sus cuidados y ofrezca sus frutos. No los de la fuerza ni de la buena salud, sino simplemente los del don, la dulzura, la bondad, la fe, la atención (Gálatas 5, 22-23). Esos frutos actúan, pobremente, sí. Pero de verdad.
Véronique Margron op.