En célébrant l’Assomption, c’est à une vérité de foi que nous sommes invités. Vérité de foi parce qu’il n’y a rien de strictement rationnel à comprendre dans la mort et l’élévation du corps de marie au Ciel. En effet, la logique de l’Assomption peut apparaître comme une conséquence de la mort et de la résurrection de Jésus. Après avoir vaincu la mort par sa Mort et sa Résurrection, le Christ partage avec sa Mère, la Mère du Ressuscité, la totalité de sa victoire, et cette totalité inclut le fait que le corps de Marie ne connaisse pas la corruption du tombeau. D’ailleurs, Marie avait été préservée du péché dès sa conception, c’était déjà une façon d’être avec Dieu pour toujours dans son corps et dans son âme. Le rapprochement fait d’une part entre la conception immaculée de Marie et l’Assomption, d’autre part entre la Mort et la Résurrection du Christ et l’Assomption nous indique que celle-ci n’est pas à prendre comme un phénomène isolé, mais elle est à annexer à toute l’histoire du salut où elle apparaît à la fois comme une moisson et une semence. Une moisson parce que c’est la Mort et la Résurrection du Christ qui porte le fruit de l’Assomption. Une semence parce que l’Assomption est pour nous comme la promesse et l’espérance de la vie éternelle. Cette espérance transparaît clairement dans la première lecture de ce jour qui nous fait baigner dans une ambiance de renouvellement des choses et de début d’un monde nouveau.
Le signe de cette nouveauté, c’est que le ciel s’ouvre sur la terre à travers son Temple. Or, le ciel avait été fermé par le péché d’Adam. Maintenant qu’il s’ouvre, la miséricorde divine se penchera vers la terre. Mais tout est encore sous forme de signe, le signe d’une femme… Avec la description de sa majesté, la femme en question est du ciel, mais elle partage avec nous les douleurs du monde, et prend part à la douleur à la fois la plus cuisante et la plus génératrice d’espérance, la douleur de l’enfantement. Or, l’enfant que la femme va mettre au monde se trouve être le Messie. L’identité de l’enfant suffit pour nous indiquer que nous sommes à la dernière heure, l’heure de la fin des douleurs, mais c’est aussi l’heure du combat décisif. La femme est sauvée, enlevée au désert, le dragon vaincu.
C’est cette victoire que porte en germe la rencontre des deux futurs bébés encore dans le sein de leurs mamans : le Précurseur et le Messie. L’ancien monde est symbolisé par la figure d’Elisabeth, le nouveau monde par la gestation dans le sein de Marie. L’ancien cèdera le pas au nouveau, Jean-Baptiste à Jésus. Tout cela est encore en embryon, mais la naissance est proche. Le Précurseur en naissant tuera la haine dans le cœur d’Hérode et Jésus tuera la mort dans l’humanité. C’est aussi de cette victoire que Paul se fait le chantre dans la deuxième lecture de ce jour : le Christ est ressuscité d’entre les morts, pour être parmi les morts le premier ressuscité. Et l’Apôtre est tout près de triompher ironiquement : où est-elle, ô mort, ta victoire ? Où est-elle, ô mort, ton aiguillon ? (1 Co 15,55).
En réalité l’Assomption de la Vierge Marie nous plonge dans la réalisation des promesses de Dieu, la promesse de la vie éternelle. La mort de notre corps nous laisse donc croire que cette promesse est compromise. Dans l’Assomption de Marie, nous la voyons germer, grandir, fleurir. La Visitation peut à juste titre être considérée comme une propédeutique de l’Assomption dans la mesure où elle est en puissance ce que l’Assomption est en acte, à savoir une moisson, ce qui nous permet de chanter avec Marie : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur ».
Si l’Assomption est une moisson et une semence-espérance, elle suppose aussi une exigence. D’abord exigence de résister contre toute tendance de désespoir et d’anéantissement devant la souffrance humaine. Exigence ensuite de lutter contre toute forme de transhumanisme où l’homme ne veut pas mourir, car le grain pour porter du fruit doit pourrir et mourir et l’homme doit intégrer la dimension souffrante à sa vie. Exigence enfin d’une vie dépouillée des souillures du péché qui retarde notre propre assomption. Marie intercède pour nous.
Sr Pascaline Bilgo