Lui, il va essayer de maximiser sa performance, c’est-à-dire la justesse de la prédiction à partir de tout ce qu’on lui donne. Le processus est itératif et il implique un très grand nombre de patients. Une fois que l’algorithme est optimisé et qu’il est satisfait de sa prédiction, on dit qu’il est entraîné. Attention, il ne s’agit pas juste de stockage en mémoire. Le jour où l’algorithme rencontre un nouveau patient, il n’a plus accès à ces patients sur lesquels il a été entraîné. Il sait donc performer sur des situations qu’il n’a jamais vues. Cependant, ce n’est pas la même compréhension que celle d’un humain. Souvent, on a tendance à croire que l’algorithme comprend la même chose que nous, mais non, c’est rarement, voire jamais le cas. La compréhension d’algorithme est très différente de la nôtre. En santé, il y a déjà eu des applications d’intelligence artificielle qui ont eu un grand succès. Je peux vous donner quelques exemples. Déjà, pour le diagnostic, on peut avoir un diagnostic rapide, précoce et automatique. Par exemple, on peut diagnostiquer des rétinopathies diabétiques à partir d’images de fonds d’œil. On peut aussi avoir un diagnostic précis et adapté à chacun. Par exemple, on peut caractériser des tumeurs de manière très précise aux niveaux moléculaire et cellulaire, pour savoir au mieux quelle est la maladie du patient.
Là, je vous donne l’exemple très connu de l’étude clinique. Donc une étude clinique, ça dure rarement moins d’un ou deux ans, mais dans le monde de l’informatique, un ou deux ans, c’est beaucoup. En un ou deux ans, vous pouvez avoir des avancées majeures qui font que les performances de votre système, elles sont obsolètes, elles sont mauvaises, elles ne sont plus du tout de la qualité de l’état de l’art.
Je pense qu’à la sortie des premiers systèmes d’intelligence artificielle, il y avait un idéal philosophique qui était de dirigerle patient vers plus d’autonomie et de liberté individuelle. On imaginait un monde de demain où l’individu possède toutes les informations sur sa santé. Il connaît l’impact de chacune de ses décisions au quotidien. Il devient extrêmement responsabilisé, ça devient un acteur de sa propre santé et il est donc plus libre. Cependant, la réalité est tout autre. Aujourd’hui, il y a une dualité qui s’est créée entre, on appelle le moi réel, qui est donc ma personne, et le moi numérique qui est ma représentation numérique. D’un côté, on peut avoir un moi réel qui se sent en très bonne santé, mais son application connectée, ou le système de santé lui dit « Ah, mais tu n’es pas en bonne santé », alors même que lui se sent en très bonne santé. À l’inverse, on imagine un moi numérique qui dit que tout va bien alors que moi, je me sens fatigué, je me sens moins bien que d’habitude et pour autant, ce n’est pas aligné avec ce que je vois dans mon moi numérique. Et c’est étrange parce que le moi réel, c’est moi. Moi, j’ai une réalité physique, je reçois des informations de mon propre corps, je suis sûr de ce que je ressens. En revanche, le moi numérique, je ne sais pas d’où viennent les informations qu’il me donne et je ne sais pas non plus comment elles ont été calculées.
J’arrive donc à la fin de cette présentation. J’espère vous avoir convaincu à la fois des grandes opportunités de l’intelligence artificielle avec des magnifiques avancées, des promesses très excitantes, mais aussi des risques et enjeux de ce domaine qui est très récent. Aujourd’hui, je pense qu’il est nécessaire qu’il y ait une réflexion groupée qui fasse intervenir à la fois des professionnels de santé et des professionnels de l’informatique, mais aussi des professionnels de la loi, peut-être des représentants des populations, afin de se tourner vers une intelligence artificielle qui soit plus responsable tout en étant toujours très efficace.